Sur les pas des huguenots à Berne
En arrivant à Berne, beaucoup de réfugiés huguenots espéraient y trouver de l’aide et pouvoir séjourner un certain temps, voire bâtir une nouvelle vie. Les autorités contrôlaient le passage des réfugiés, leur ravitaillement et leur hébergement, non seulement en ville, mais aussi sur tout le territoire bernois, qui s’étendait du Léman à Brugg. Malgré la politique relativement libérale de Berne, les huguenots furent peu nombreux à s’y établir durablement.
Nous vous invitons à découvrir les traces laissées par les huguenots à Berne ou les lieux qui rappellent leur passage.
1 Grosse Schanze / Parkterrasse
La terrasse devant l’Université est un vestige des anciens bastions occidentaux de la ville. Ceux-ci ont été construits de 1622 à 1642 d’après les plans de Théodore Agrippa d’Aubigné, officier français réfugié à Jussy, près de Genève. Jusqu’en 1624, c’est un autre huguenot, Louis de Champagne, comte de la Suze (†1636), qui dirigea les travaux. Louis de Champagne est considéré comme le fondateur de la communauté réformée française de Berne (7). Au XIXe siècle, les bastions ont été rasés puis, après la construction de la gare, le terrain aménagé en promenade avec vue sur les Alpes.
2 Maulbeerstrasse
En 1686, Gédéon Brutel de la Rivière, huguenot venu de Montpellier, fut autorisé par le Conseil de Berne à planter à l’ouest de la ville des mûriers (Maulbeerbäume, d’où le nom de la rue) pour l’élevage de vers à soie. Mais comme toutes les tentatives de ce genre au nord des Alpes, celle-ci échoua. Vers 1730 toutefois, un Bernois établit ici une soierie qui en 1792 fut transformée en brasserie avec débit de boisson, à l’enseigne du «Mûrier». C’est aussi le nom que portait le restaurant plus tard intégré à l’Hôtel National.
3 Obertor / Bubenbergplatz / Bahnhofplatz
La plupart des réfugiés arrivaient à Berne depuis l’ouest. Ils entraient dans l’enceinte de la ville (1) par la porte du Haut. Après avoir attesté leur identité, ils recevaient les renseignements nécessaires sur les aides à disposition. Traversant la grande place «entre les portes», où se trouvait un abreuvoir, ils arrivaient à l’ancienne porte du Haut, avec la tour Saint-Christophe, ainsi nommée à cause de l’immense statue du saint (près de 10 mètres de hauteur) qui s’y dressait côté ville. Beaucoup espéraient pouvoir s’établir à Berne, ou retourner bientôt dans leur pays. Mais ils furent peu nombreux à rester.
4 Maison Jonquière / Bubenbergplatz 5
Jacques Jonquière (1664-1733), huguenot fabricant de soieries, venu de Saint-Chaptes, près de Nîmes, fut reçu bourgeois en 1725. Sa manufacture se trouvait dans la Maison de commerce (8). Il possédait aussi une teinturerie au Marzili (6). Son fils Jean Georges (1708-1766) reprit l’entreprise; vers 1751, il acheta trois maisons de la rangée. Il fit agrandir celle située le plus à l’est (5, Bubenbergplatz). La maison resta dans les mains de la famille jusqu’en 1844. Transformée ensuite en hôtel, elle fut finalement démolie en 1951 pour faire place au bâtiment actuel. La famille Jonquière s’est éteinte en 1926.
5 Temple du Saint-Esprit / Spitalgasse 44
Construite de 1726 à 1729, cette église est une oeuvre majeure de l’architecture protestante en Suisse. Tant par son aspect extérieur que par l’imposant espace intérieur, sans divisions, elle s’inscrit dans la tradition calviniste. La chaire, sur son support isolé, ainsi que la table de communion et de baptême, sont particulièrement remarquables. À l’origine, il n’y avait pas d’orgue.
L’église est bâtie à l’emplacement de l’ancien hôpital du Saint-Esprit, qui avait une chapelle, et dont les origines remontent à une maison des Hospitaliers du Saint-Esprit, fondée peu avant 1228.
6 Maison Glur / Weihergasse 17
En 1686, Jean Farenge, réfugié venu de Marsillargues, près de Montpellier, trouva un emploi dans la teinturerie de Hans Rudolf Steck, établie au domaine de Marzili, dont la première mention remonte à 1596. La maison, avec la teinturerie, fut rachetée vers 1728 par Jacques Jonquière. En 1743-1744, son fils Jean Georges la transforma complètement et lui donna l’aspect qui est encore le sien. Jonquière vendit le domaine en 1751 pour s’établir dans une nouvelle maison (4). Le nom actuel renvoie à une famille qui en fut plus récemment propriétaire.
7 Église française / Zeughausgasse 8
Construite entre 1269 et 1314, l’église de l’ancien couvent des Dominicains est le plus ancien édifice sacré encore debout à Berne. Elle est affectée depuis 1623 au culte en français (1), commodité dont profitaient notamment les huguenots. Elle a connu de nombreuses transformations, et de 1534 à 1912, la nef, séparée du sanctuaire, a servi à des usages profanes. De 1804 à 1864, puis de 1875 à 1899, l’église a aussi été mise à la disposition des catholiques-romains. Son excellente acoustique en fait un lieu de concert apprécié.
À côté de l’entrée, une plaque commémorative rappelle la présence des huguenots.
8 Ancien couvent dominicain / Predigergasse 3 / Nägeligasse 1a
Après la Réforme, les bâtiments du couvent dominicain ont servi à divers usages. Un orphelinat a été installé dans l’aile ouest, remise ensuite aux huguenots pour leur hébergement et leurs activités («Maison de commerce»). La plupart fabriquaient des textiles. Jacques Jonquière y exploitait une manufacture de passementerie de soie comptant plus de trente métiers (4 et 6).
En 1899, toutes ces constructions ont fait place au Théâtre municipal et à un bâtiment administratif. L’annexe datant de 1905 adossée au nord de l’église abrite le Centre d’accueil paroissial (CAP) de l’Église française.
9 Hôtel du gouvernement / Rathausplatz 2
L’Hôtel du gouvernement était le centre du pouvoir de la République de Berne, dont le territoire s’étendait depuis le Léman presque jusqu’au Rhin. C’est là que ce décidait le sort des réfugiés. Les salles des Conseils étaient jadis ornées d’oeuvres d’artistes huguenots: un cycle de tableaux sur l’histoire de la ville et de la Confédération, par le peintre Humbert Mareschet (†1593), originaire d’Aix-en-Provence, et un superbe tapis en cinq éléments, réalisé par quatre tapissiers venus d’Aubusson, qui revêtait la table de la salle du Petit Conseil (12).
10 Esplanade de la collégiale / Münsterplattform
Au pied de l’esplanade de la collégiale, au bord de l’Aar, s’étend le quartier artisanal de la Matte. C’est là que se trouvaient les appontements pour l’amarrage des bateaux et des radeaux. Les réfugiés montaient sur des barques qui les emmenaient à Brugg ou plus loin, par le Rhin, à Bâle. Le voyage par la voie navigable était moins pénible et plus rapide que e trajet à pied, mais pas toujours sans dangers. En 1687, lors d’un naufrage sur l’Aar, près de Lyss, cent onze réfugiés huguenots moururent noyés.
11 Untertorbrücke / au pied du Nydeggstalden
Jusqu’au XIXe siècle, le pont de la porte du Bas (ancien pont de Nydegg) était le seul pont sur l’Aar à Berne. Avec ses portes et ses têtes fortifiées, il était intégré dans les fortifications de la ville. C’est ici que les réfugiés quittaient la ville en direction du nord. Beaucoup d’entre eux étaient transportés sur des barques, mais ils étaient sans doute une majorité à faire le chemin à pied, en char à bancs ou dans le meilleur des cas en voiture à cheval.
12 Musée d’Histoire de Berne / Helvetiaplatz 5
Le Musée possède un cycle de tableaux d’Humbert Mareschet, parmi d’autres témoins de la vie des huguenots (9). Deux coupes d’argent doré sont des cadeaux faits à la confrérie des Boulangers par Jacques Jonquière (4 et 6) et le tisserand de laine Jean Roux (1663-1739), de Montpellier, à l’occasion de leur admission à la bourgeoisie.
Les légendes des objets portent le logo et sont munies d’un code QR. Vous pouvez accéder ici à la page du Musée consacrée aux huguenots.
Textes de cette page: Margrit Wick-Werder