A propos des Huguenots
En 1598, suite à plus de trente ans d’affrontements politico-religieux, le roi de France Henri IV signe l’Edit de Nantes et instaure, pour la première fois dans l’histoire de son pays, la coexistence de deux confessions. Ainsi les catholiques doivent admettre l’existence des réformés auxquels la liberté de conscience est reconnue, tandis que celle du culte reste limitée par endroits. L’accès à toutes les charges de l’Etat leur est assuré, l’établissement d’Académies protestantes consenties et des places de sûreté concédées.
Après la mort d’Henri IV, ses successeurs, Louis XIII et Louis XIV, s’appliquent à restreindre peu à peu les acquis des réformés, alors que dans un premier temps ils avaient confirmé l’Edit de leur aïeul. Se sentant de plus en plus abusés dans leurs droits par une catholicité d’Etat, les réformés se défendent et passent à la résistance.
Les conflits reprennent et s’étendent au sud-ouest du Royaume, où les réformés sont nombreux et encore puissants. La Paix d’Alès - conclue en 1629 entre Louis XIII et le Duc de Rohan, dernier chef huguenot – évite une nouvelle saignée des forces protestantes. Une dernière résistance reprend dans les Cévennes lors de la Révolte des Camisards (1702-1710).
En 1661, au moment où Louis XIV reprend personnellement le pouvoir, sa position envers ses sujets réformés se durcit. L’extermination de l’hérésie calviniste est décidée. Pendant 25 ans, des mandats et des arrêts royaux se succèdent en accélérant l’étouffement des protestants. Les nombreuses formes de persécution achèvent leur pouvoir de résistance et la Révocation de l’Edit de Nantes, en 1685, n’en est que le dernier maillon. Avec cet Edit, le roi impose le principe « Un roi, une loi, une foi ». Dès lors, il ne reste aux réformés que l’abjuration, l’exode ou la clandestinité ! L’exil est interdit. Pour ceux qui sont pris, c’est la confiscation des biens, la prison, les galères, voire la peine de mort.
Plus de 150'000 Huguenots choisissent l’exil par voie maritime ou terrestre et se mettent en route vers la Suisse, l’Allemagne, l’Angleterre ou encore les Pays-Bas, terres d’accueil où le protestantisme s’était largement développé. Ces fuites vont s’étendre sur plusieurs décennies. Environ 80'000 choisissent Genève et la Confédération Helvétique, témoin impuissant de ce drame.
A propos des Vaudois du Piémont
Après la Révocation de l’Edit de Nantes, le duc de Savoie Victor Amédée II, sous la pression de son allié le Roi de France, publie toute une série d’édits. En janvier 1686, il ordonne – comme en France - la cessation immédiate de toute forme de culte, la démolition des temples, l’éloignement des pasteurs et des enseignants ainsi que le baptême catholique pour les nouveau-nés vaudois. Les troupes du duc, avec le renfort de celles du roi de France, envahissent alors les Vallées vaudoises. Des 12 à 13'000 Vaudois présents dans les Vallées 2'000 environ meurent au combat. Les survivants sont emprisonnés dans quatorze prisons du Piémont. C’est à la fin de l’année 1686 que Victor Amédée II accepte de libérer les prisonniers, en particulier sous la pression de LL Excellences de Berne. Par un édit du 3 janvier 1687, il ordonne « l’exil perpétuel pour ceux qui se sont obstinés dans leur foi ». Au final ils sont 2'700 à choisir la voie de l’exil qui les conduit – par le Mont-Cenis et la Savoie – à Genève. En août 1689, lors de La Glorieuse Rentrée », plus de 900 d’entre eux repartent de Suisse (plus précisément de Prangins) pour couvrir les quelque 200 kilomètres qui les séparent de leurs Vallées.
La Confédération Helvétique au temps du « Grand Refuge » (1685-1730) (voir note)
La situation géographique de la Suisse et sa structure politique confédérale, bi-confessionnelle depuis la Réformation, la prédestinait à être une terre d’asile. A la Révocation de l’Edit de Nantes, des milliers de fugitifs se pressent aux portes de la Confédération, Genève étant la plus concernée. Ils traversent les forêts austères du Jura vers Neuchâtel et le Pays de Vaud, ou bien ils franchissent les Alpes par le Grand Saint-Bernard, d’autres visent Coire par les cols des Grisons. Parmi les itinéraires parcourus par les réfugiés, deux voies principales sont retenues entre Genève et Schaffhouse.
Les cantons réformés réagissent en créant une clé de répartition, un plan de financement, des lieux d’accueil pour faire face à cette avalanche humaine. Pourtant le maintien de la paix confessionnelle et les intérêts communs de tous les cantons quant au Traité d’ « Alliance perpétuelle » avec la France imposent une politique d’accueil prudente. Dès la fin du 17ème siècle, l’effort de solidarité s’essouffle au vu de la situation économique de la Suisse, la famine rôde … et les réfugiés sont tenus de poursuivre leur route vers les principautés protestantes d’Allemagne et d’autres pays qui leur offrent un asile définitif.
Sur 160'000 Huguenots et Vaudois du Piémont, 60'000 environ ont passé par la Suisse, mais seul un petit pourcentage a fait souche chez nous. Cheminer sur leurs traces aujourd’hui, c’est découvrir une page d’histoire suisse et européenne peu connue dans son ensemble. C’est la raison de l’engagement de la Fondation VIA pour ce projet.
Note : Un Premier Refuge avait eu lieu dès le moment où les idées de la Réforme s’étaient répandues et, surtout, à la suite de la Saint-Barthélémy (1572)
Pour en savoir plus : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F26884.php